Dans les recherches lexicologiques, il est important de distinguer entre le sens lexical du mot dans le discours et la structure sémantique du mot dans la langue. Tous les deux forment l'objet d'étude de la sémasiologie qui en décrit des variantes lexico-sémantiques et. les particularités de la distribution permettant d'identifier les formes équivalentes ou différentes d'après les contextes.
E. Benveniste, dans les extraits des problèmes de linguistique générale inclus dans ce chapitre, souligne l'importance du sens qu'il croît être une notion centrale de la langue. D'une part, l'auteur s'oppose à toutes les tentatives d'éviter, voire d'exclure, le sens des recherches linguistiques. D'autre part, il se prononce tout aussi résolument contre une séparation des notions de «forme» et de «sens»: elles sont indissolublement liées dans le fonctionnement de la langue.
Dans les fragments du livre de R. L. Wagner les vocabulaires français, le lecteur trouvera une explication claire, en termes de linguistique contemporaine, de plusieurs notions sémasiologiques; entre autres, dans le cas des mots polysémiques, celle du trait distinctif (ou démarcatif, ou différentiel) que, selon M. Wagner, l'on définit de préférence après avoir entrepris une délimitation des ensembles. L'auteur est évidemment pour l'étude de l'unité lexicale à partir des ensembles, associés étroitement, dans plusieurs cas, à des contextes historiques qui la conditionnent et aident à en comprendre le sens aussi bien que ses changements continuels.
Comme son titre indique, le livre de P. Guiraud traite de sémantique. L'auteur s'assigne une tâche très large et ne limite pas son étude de l'aspect sémantique du mot à la perspective synchronique: il commence son ouvrage par les définitions nécessaires de notions fondamentales, telles que «signe», «signification», «sens», «concept», etc. pour passer ensuite à l'examen des formes et des causes possibles des changements sémantiques. Certains problèmes de sémantique structurale sont abordés par P. Guiraud dans un chapitre à part, à la fin duquel l'auteur propose une analyse assez détaillée de ce qu'il appelle «champ morpho-sémantique» avec, à titre d'exemple, le mot chat comme concept central de l'ensemble.
G. Mounin, dans Les problèmes théoriques delà traduction, soulève la question de la structuration du lexique. Il réfuté l'idée simpliste de la notion «structure du lexique» et se propose d'y montrer trois niveaux qu'il appartient de ne pas confondre. Un autre thème, essentiel dans n'importe quelle étude sémantique et abordé dans le texte cité, concerne le sens lexical du mot et les rapports qu'entretient le sens avec la notion; alors G. Mounin emploie les termes de «dénotation» et «connotation» que l'on retrouve aujourd'hui dans tout ouvrage de ce genre.
Un autre livre de G. Mounin dont nous publions les fragments ci-dessous, Clefs pour la sémantique, présente un développement clair, quoique élémentaire, sur des définitions importantes. Le lecteur y constatera qu'il convient d'opérer une délimitation nette entre la sémiologie, science des procédés de la communication, et la sémantique, qui comprend à son tour deux parties: la sémasiologie (étude des significations en partant des mots), et l'onomasiologie (inventaire des dénominations). S'il ne met pas en cause l'importance de la sémantique comme science des significations linguistiques, G. Mounin réserve, par ailleurs, une place très modeste à la lexicologie, puisqu'il limite la tâche de celle-ci à l'élaboration des principes et des méthodes nécessaires dans les recherches lexicographiques; c'est ce qui nous paraît discutable.
En suivant fidèlement le concept saussurien de signe, G. Mounin définit les notions de réfèrent, de signification, de sens, pour examiner ensuite le problème de structuration lexicale, ses possibilités et ses difficultés. L'auteur précise ce que l'on a en vue quand on parle de structurer le lexique: il s'agit d'établir les règles d'organisation des significations, règles qui ne sont pas signalées par les formes grammaticales. G. Mounin passe en revue des structurations formelles, distri- butionnelles, conceptuelles, etc. et il illustre finalement ses idées à l'aide d'un exemple concret: le système de dénomination des animaux domestiques.
La motivation doit donc s'effacer au profit du sens car elle risque, dans le cas contraire, de le restreindre et même de l'altérer.
La locution est un signe à la fois arbitraire et motivé, ce qui constitue un véritable paradoxe des formes idiomatologique et leur confère leur originalité.Arbitraire dans la mesure où l'image qui est à l'origine de la locution et qui en motive le sens tend à s'obscurcir; ceci est un phénomène général: gêner c'est d'abord 'torturer' [...], puiscette métaphore a fini par s'effacer et le sens du mot est devenu conventionnel; il en est de même d'expressions comme: s ans coup férir, être aux abois, etc.!
Cependant, il est dans la nature des locutions de retenir leur motivation, car les mots qui la composent, bien que formant une unité, gardent une certaine autonomie, et continuent à évoquer des images qui leur sont propres; ainsi le sens est clairement motivé dans: tenir le gouvernail, tondre un œuf, lever un lièvre; mais dans la plupart des cas, l'image libéré par la locution s'actualise sans révéler le lien sémantique qui est à la base des valeurs particulières de l'expression; pourquoi reprendre du poil de la bête ou mettre en coupe reglée, c'est ce que ne sentent pas la grande majorité des locuteurs; une image leur apparaît bien, mais non pas la valeur qui constitue la motivation elle-même.
- L'exemple de baisser pavillon 'céder' — l'expression se laisse décomposer dans les articulations suivantes: 1 Amener un insigne fixé en haut d'un mât (sens de base);
- Abaisser le pavillon par déférence ou par force; soit qu'on salue un navire, soit qu'on se rende dans un combat naval (acception technique);
- Céder avant une intimidation (valeur métaphorique).Nous pouvons ignorer le sens 1 et le sens 2, ne sachant pas ce qu'est un pavillon, et le sens 3 est alors immotivé baisser pavillon n'étant qu'une forme signifiant 'céder'. Nous pouvons connaître le sens 2 tout en ignorant le sens 1 et la forme est alors semi-motivée; nous y reconnaissons une métaphore maritime, mais en ignorant toujours ce qu'est un pavillon.Nous pouvons connaître le sens 1 et ignorer le sens 2 et la forme est encore semi-motivée, puisque nous ne savons pas pourquoi baisser un pavillon signifie 'céder'.
Mais dans tous les cas, l'image ou les images absentes ne sont jamais complètement effacées; alors que la forme cheval, signe arbitraire, ne dit rien en dehors de son sens, baisser pavillon évoque toujours quelque image, vraie ou fausse, d'un objet qu'on abaisse.